Céramique d’art et dessins
Je dessine et surtout je sculpte parce que j’ai besoin d’une résistance, d’un risque.
Loin de toute contrainte, je dis mes bonheurs, mes angoisses, mes visions, en espérant l’écho de ceux à qui je m’adresse.
Je veux donner une existence à mes pensées, et pourquoi pas ouvrir des portes.
Mes dessins, mes céramiques proposent un imaginaire qui ne cesse de s’enrichir de la perception et de l’interprétation des autres.
Chaque création est une réflexion.
Un choix, et dans ce choix, mon engagement est sans détours.
J’ai commencé la poterie très jeune, à lʼâge de 13 ans, apprentissage approfondi à lʼécole des Beaux-Arts du Mans.
Ensuite, pendant quelques années, jʼai été directrice artistique dans la publicité à Paris dʼabord, puis à Toulouse, profession qui mʼa éloignée quelque temps du modelage de la terre, mais qui mʼa beaucoup apportée par la curiosité que ce métier exige, et par les multiples occasions dʼexercer le dessin et le graphisme.
Mon attirance pour la terre, et le feu, mʼa fait remettre la main à la pâte avec bonheur il y a maintenant une 25 ans.
La céramique telle que je la pratique est ludique.
Mon travail se nourrit de la relation homme / animal, il traduit ma perception de ce rapport en espérant l’écho de ceux auxquels je m’adresse.
J’aime entraîner le spectateur dans mon univers, et tenter de faire partager mon questionnement. Que l’homme s’y sente instable, ébranlable face au monde animal. La suprématie de l’homme sur la bête se trouve inversée, controversée.
Lorsque l’homme ne se trouve pas confronté à l’univers de ce bestiaire humanoïde, mon travail le montre fragilisé, en proie à ses interrogations, à sa vulnérabilité.
La technique que je privilégie est le raku.
La cuisson raku étant violente ( la température du four monte à 980° en moins de 40 minutes), je privilégie le grès pour sa résistance.
J’aime la matité des noirs – dû à l’enfumage- qui contrastent avec le velouté des émaux, rehaussés par le « tressaillage » (le fin réseau de « capillaires ») dû au choc thermique, qui crée un lien entre les matières.
Mes céramiques, je l’espère, racontent une petite histoire, j’aime l’idée qu’elles puisement rouvrir une porte sur la sujétion de l’animal à l’humain, ou sur le vertige de l’homme face au monde qui l’entoure.
Elles proposent un imaginaire qui ne cesse de s’enrichir de la perception de l’observateur.”
Du ciel à la terre
Présentation par Philippe Bidaine, éditeur (directeur honoraire des Éditions du Centre Pompidou), Critique (l’art contemporain chez Scala).
Juillet 2015
Pendant longtemps, Do, de sa main, a occupé l’espace. Elle y lançait ses oiseaux, bariolés, multicolores, un peu comme ces cerfs volants chinois qui balisent le ciel et créent des trajectoires imaginaires. Elle les laissait prendre leur envol, pour mieux les confier à quelques lucanophiles amateurs. Ils sont partis en effet pour une longue migration, laissant à leur créatrice le temps d’une autre recherche.
Redescendre sur terre.
Regarder le théâtre des petits hommes aux gesticulations souvent dérisoires, à la geste souvent absurde, aux saccades saisies dans l’instant d’une vanité, mouvements atones car figés dans la glaise.
Les petits êtres de Do sont, à la manière d’un persiflage léger et sous des dehors sereins, des êtres de contestation, de violence, de questionnement.
Ils ne sont pas innocents et sont plus souvent torturés qu’alanguis. Ils sillonnent la matière, escaladent, ou tentent de le faire, d’impossibles et d’abruptes falaises.
Ils pénètrent des corridors mythologiques et s’inscrivent à leur manière dans l’histoire des mondes.
Il y a celui, tel Sisyphe, qui roule sa pierre, il y a celui qui s’accroche au ciel, ou à la lune, Pierrot solitaire, il y a celui, qui, comme le stylite, s’installe à vie sur sa colonne.
Il y a aussi ces couples qui ne peuvent ou ne savent se rejoindre.
Incommutabilité des êtres ?
Attitude torve de la mésentente, incompréhension des signes, gestes muets, bras tendus en vain.
On est dans l’univers secret de Do. Celui qu’elle sculpte comme si sa main travaillait seule, s’échappant du champ de la mémoire, hors du temps, hors du quotidien. Univers qui se charge des incertitudes et des attentes… Un univers si loin de la personne attendue de l’artiste.
L’artiste ?
Janus avec le sourire de l’accueil, Janus avec les désordres de l’inspiration.
La main conviviale qui se tend et celle qui tord la glaise, la maltraite et l’érige en puissance noire.
Puissance noire, celle qui enfante l’hybride, l’improbable. L’intolérable !
L’humain né d’une gestation animale, mélange des genres, du Genre.
Comme s’il fallait, dans cet abrupt décloisonnement, s’interroger encore sur les théories de l’espèce.
Sombre avatar d’où jaillit l’inexploré. L’inexplorable.
Comme l’est sans doute l’esprit qui guide Do dans sa création multicaule.
De ces miscellanées d’inspiration naît une oeuvre qui s’assume et se revendique.
Et s’affirme dans les dessins.
Étrange rencontre entre l’humain et l’animal. Traçabilité entre l’être et les singes qui l’entourent.
Darwin ? Dérisoire gesticulation de l’homme saisi dans le bec d’un oiseau géant.
Gestation hybride de l’humain dans le ventre d’un insecte démesuré ?
De quelle théorie, de quelle fantasmagorie, Do s’inspire-t-elle ?
De celle du paléontologue Dale Russel qui décelait dans les dinosauroïdes une future et possible
espèce dominante ?
Des légendes amérindiennes instituant le pouvoir de l’homme-tonnerre ? De l’hybris grec ?
A sa manière, Do crée son bestiaire humanoïde.
Quels rêves, quels cauchemars l’inspirent ?
Et s’il s’agissait simplement d’une relation privilégiée, secète, avec le monde animal ?
Une sorte d’équivalence ? De reconnaissance ? D’amour ?
Ces animaux auxquelles elle donne la perfection de son trait, laissant à la représentation humaine l’hésitation du croquis. Message subliminal ? L’avenir est au-delà de l’humain…